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Le Club des Insurgés
4 octobre 2016

Alep: entre catastrophe et manipulation

Le siège d'Alep se poursuit, et avec lui le désespoir des populations

La tragédie d’Alep en est une, c’est incontestable. La vue du malheur humain conséquent à l’absurdité de la guerre m’est insupportable. Civils massacrés, enfants morts… qui ne serait pas touché ? Mais ce que le smartphone et la société de l’image nous permet d’appréhender n’est qu’une réalité séculaire: les villes martyres. Nous sommes convaincus que, parce que nous le voyons, ça n’a jamais été aussi cruel ou, pire encore, que cela n’existe pas ailleurs, nous n’avons toujours pas appris de la guerre du Viet-nam. 

L’occident aussi a pu être touché par ces catastrophes, quoiqu’on en dise. L’une des villes les plus emblématique est sans doute Calais. Ville stratégique convoitée par l’Angleterre comme par la France, ville de liaison entre les deux pays également, son histoire n’est faite que de sièges, de destructions totales et de massacres de la population. La débâcle de 1940 a placé la ville dans une situation délicate: le grand port en eau profonde le plus proche de l’Angleterre risquait de devenir un avantage-clé pour les allemands. Calais fut donc « bombardée à mort » -pour reprendre l’expression chère à Donald Trump- c’est à dire rasée. Morts, blessés, réfugiés, par centaines, par milliers, furent la routine calaisienne durant quatre ans. Les mines, les barbelés, les restes de la DCA allemande et le mur « Rommel » nous adressent encore quelques souvenirs de temps à autres. À la Libération, les Canadiens ont à nouveau mis le siège devant Calais, multipliant les erreurs tactiques. Les Allemands retranchés, quasiment disposés à se rendre, n’inspiraient pas confiance aux officiers alliés. Au milieu de ces palabres, les calaisiens étaient menacés. Seul le commandant Mengin se fit le chantre d’une évacuation. Les Allemands se rendirent mais l’attaque eut tout de même lieu. Le brave Mengin sera tué dans les manoeuvres consécutives. Et comme par un acharnement du sort, le 27 février 1945 soit cinq mois après sa libération, Calais est victime d’une erreur due à une négligence: les pilotes anglais la confondent avec Dunkerque (qui était alors une poche de résistance allemande) et bombardent la sortie des écoles. Ce fut un carnage.

Bien sûr, il y eut des rancœurs, comme pour le bombardement de Rouen (« les criminels reviennent toujours sur les lieux de leur crime » disait-on alors à propos des Anglais), il y eut de lourdes rancoeurs. Mais Michel Onfray n’était pas encore né. Le culte de l’individu, le culte de la victime, le smartphone n’étaient pas encore les seules préoccupations de la société occidentale. Personne ne s’apitoyait du sort des civils français et jamais une communauté française établie aux Etats-Unis ou au Canada n’a justifié d’attentats contre ces pays au motif qu’ « on bombarde les français depuis quatre ans aussi, il faut les comprendre ». À l’époque, la logique militaire, la proximité des idées gaulliennes avec le monde occidental libéral et le refus du nazisme ou du stalinisme justifiaient que l’omelette soit particulèrement chère en oeufs. 

Notre regard sur Alep reflète ce que nous sommes devenus: des individus imbus d’eux-mêmes et sans attaches fascinés par le culte victimaire au point de se révéler incapables de comprendre les alliances et affrontement des grandes structures collectives que sont les civilisations, les religions et les nations. Evidement, certains en profitent. 

Car, si vous demandez au paysan syrien chrétien ce qu’il a fui (je parle d’une discussion sérieuse, pas télé-médiatique), il est fort possible qu’il n’évoque pas spécifiquement l’Etat Islamique. En effet, -et il y a déjà eu un article la dessus dans le Club- la Syrie n’est pas un terrain d’affrontement entre gentils et méchants, terroristes et modérés ou modérés et dictateurs, c’est le champ de bataille d’un conflit religieux plus vaste: le conflit des sunnites contre les chiites. En Syrie, plus de 70% de la population est sunnite et moins de 30% est chiite (alaouite plus précisément, mais nous en resterons à chiite même si l’on devrait plutôt dire « soutenus par les chiites ») ou chrétienne. Depuis plusieurs décennies, ce sont les chiites qui disposent du pouvoir, souvent en alliance avec les chrétiens. Le père de Bashar el-Assad (Hafez) était un dictateur qu’on qualifiera de très ferme et le pouvoir en place a dès l’origine été perçu par une grande partie de la population comme l’oppression d’une minorité sur une majorité. Les partisans du régime chiite sont à Damas, les rebelles sunnites sont à Alep. Dès le départ, ce conflit a été comme une explosion de violence entre les deux factions religieuses, les uns ont spontanément massacré les autres ou laissé faire avec encouragements les exactions des différents groupes armés.

Et l’Etat Islamique dans tout ça ? Nous savons que le groupe a été encouragé par les puissances sunnites de la région (Arabie Saoudite, Quatar, Turquie) avec un important appui financier américain. Il faut préciser que les occidentaux avaient grandement intérêt à voir tomber Bashar Al-Assad dans la mesure où il leur coupait la route du gaz. On peut penser que cette organisation est une sorte de Viet-cong local des temps modernes, c’est à dire que tous n’adhèrent pas à sa cruauté et à son jusque-boutisme mais que de nombreux sunnites le perçoivent comme le seul espoir d’inverser la tendance au pouvoir. Cette complexité explique sans doute que la communication sunnite sur le conflit fasse la part belle à la responsabilité occidentale dans les horreurs de la guerre. Et ça marche. Les occidentaux que nous sommes sont très sensibles à ce discours.  

Il n’est pas question ici de passer sur la responsabilité de l’occident dans la déstabilisation de la région. Intervention en Irak, en Libye, choix stratégiques en Syrie, nous devons remettre en cause notre tendance à l’interventionnisme, cette époque est révolue. Mais observons tout de même que l’absence d’intervention fait également hurler les bonnes âmes occidentales qui crient alors à l’indifférence. Aujourd’hui, ce sont les russes qui bombardent Alep. À en écouter certains, on aurait presque l’impression que c’est nous. Les images nous tétanisent mais elles devraient parfois être regardées avec du recul: la photo du petit Omrane, qui a ému le monde, a été prise par un photographe -Mahmoud Rslan- qui n’avait pas hésité quelques temps plus tôt à filmer des scènes destinées à la propagande de l’autre camp, incluant notamment des maltraitances sur des enfants. Et puis, nous vivons au contact d’une communauté sunnite, en France, qui est la première victime de cette diffusion orientée et qui n’hésite pas à nous la retranscrire comme un immense malheur fait aux musulmans par la faute de l’occident.

Pour l’occident, c’est donc « perdant à tous les coups », si les sunnites gagnent, leurs massacres sont la faute des américains parce qu’ils ont participé au financement de l’Etat Islamique, à bas l’interventionnisme ! Mais si les sunnites perdent, qu’ils sont acculés et bombardés par les chiites et leurs alliés russes, à bas l’indifférence ! Je n’ai pas constaté la même ferveur sur les réseaux lorsque les chiites yéménites ont été massacrés à al-Sarari. La guerre sunnites-chiites est un conflit archaïque qui n’a pas attendu les billets verts et les B-52 pour offrir au monde son spectacle de cruauté. Mais tout ce qui compte pour l’occidental « conscient » est de se croire témoin d’une injustice du fort à l’endroit du faible. Non, nous n’avons décidément toujours pas appris de la guerre au Viet-nam.

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1 octobre 2016

Avec Kery James, Henry de Lesquen accède à la notoriété

Kerry James a répondu à Henry de Lesquen, lui offrant une publicité inespérée

Avec Henry de Lesquen, Kery James a trouvé un partenaire de jeu. Le candidat sulfureux -que personne ne souhaite voir incarner quoique ce soit- est soudain bombardé par le rappeur représentant de cette France que Kery vomissait déjà dans sa Lettre à la République. Cette France légendée et fantasmée en État raciste intolérant est de longue date déjà son fond de commerce économique et idéologique. Il aime les « states », Kery, et souhaite l’émergence d’une communauté afro-française dont l’affirmation passerait par une contestation -parfois commune avec l’islam, comme le fit Malcom X- d’une France qui n’aurait jamais abandonné son travers esclavagiste. Dans Musique Nègre et la Lettre à la République, KJ rend hommage à Rosa Park, détourne quelques personnages historiques français (tels Toussaint-Louverture ou Dumas) sous le seul prétexte de leur couleur de peau et fustige une France des ghettos dont l’appareil médiatique serait dédié tout entier à l’oppression raciste. Tout cela a un habillage « progressiste-compatible » : implication dans la cause de la banlieue, fraternité avec la Palestine, soutien au PS... Toutes les cases du politiquement correct sont cochées.

Mais ce rap pseudo-subversif reste quand même l’une des musiques les plus produites de l’année 2016. Universal se frotte les mains, le label met plus d’argent à la disposition du rap « conscient » (et du rap moins conscient d’ailleurs aussi) que ce dont disposerait le ministère de la culture s’il avait décidé de le censurer. L’État raciste français lui permet également de profiter des facilités de diffusion que permet le dispositif « exception culturelle » qui privilégie la musique et les films francophones, protectionisme honnis en toutes autres circonstances et qui a la particularité de ne jamais distinguer le genre ou la qualité du morceau ni la conviction politique ou l’appartenance raciale du chanteur. Odieuse patrie. En attendant d’y réfléchir, Kery James bénéficie déjà d’une promotion gratuite sur France Ô qui lui a dédié un article à l’occasion de sa dernière chanson et il ira chez Ruquier (France 2, l’officine nazie qui a déjà accouché de grands criminels esclavagistes tels que Léa Salamé, Eymeric Caron ou encore Yann Moix) pour faire la publicité de son nouvel album Muhammad Alix. Aucun politicien n’osera se mettre la banlieue à dos à huit mois des élections, la télévision ayant toujours les yeux rivés dessus. 

Pourtant, si Alix Mathurin -dit Kery James- était américain, rien ne serait comme tel. Déjà, il aurait de réels opposants: son son serait censuré et condamné par la moitié des médias du pays (censuré pour de vrai cette fois). Des pasteurs puritains useraient de leurs canaux radios (qui brassent des millions d’auditeurs, loin de Radio Courtoisie) pour prêcher des heures durant contre la « musique dépravée ». Des WASPs manifesteraient par milliers devant sa maison de disque et des activistes vandaliseraient les disquaires qui le distribuent. Mista’ James serait déprogrammé à la moindre chute de ses ventes, lâché par ses soutiens financiers assiégés par les associations moralistes US. Dans ses concerts, il lui faudrait porter un vrai gilet pare-balles pour parer de vraies balles que lui adresseraient de vrais suprématistes blancs. Les gosses des ghettos influencés par sa musique ne seraient pas seulement arrêté pour vandalisme puis relâchés comme en France mais tirés comme des pigeons par des policiers avec lesquels on plaisante beaucoup moins qu’ici. Ces incidents provoqueraient les traditionnelles descentes aux flambeaux contre les prêcheurs de violence dans les rues de Brooklyn ou de Baltimore et les mères noires de la middle-class qui tiennent à leur intégration à la société américaine obtenue de dur labeur interdiraient à leurs enfants d’écouter ces chants de haine. Alors, Kery James rejoindrait ses idoles Tupac, Biggy et les autres, des bad boys qui croyaient aussi faire exploser crument la réalité de leurs vie et de leurs quartiers mais qui connurent un succès et parfois une mort violente, symbole de la relativité de leurs apports à la communauté, tant ils les ont confondus avec les guerres et les morts qu’ils ont provoquées. -MP

 

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