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Le Club des Insurgés
9 novembre 2016

Une nuit en novembre

L'élection de Donald Trump a marqué ce mois de novembre 2016 

Je connais le véritable perdant de l’élection de cette nuit, il ne s’agit pas d’Hillary Clinton mais de Francis Fukuyama. Vous ne remettez pas Francis ? Monsieur Francis Fukuyama est un influent intellectuel américain qui a écrit un ouvrage, il y a vingt-cinq ans, judicieusement intitulé « la fin de l’Histoire ». Nous serions, depuis le début des années 90, selon cet auteur, sortis de l’Histoire, c’est à dire des grandes mutations politiques, des intrigues diplomatiques, des bouleversements civilisationnels. Au fond d’eux-mêmes, beaucoup de mes contacts n’en pensent pas moins et ça se ressent jusque dans leurs postures imbéciles: « ne soyons pas dans l’idéologie, restons pragmatique » ou, ma préférée, «la France a mieux à faire que la Révolution ». Du cynique libéral au romantique libertaire, le monde d’aujourd’hui nous est confortable, même si nous avons maintes choses à lui reprocher. La société occidentale nous est longtemps apparue incapable de bouillir, de jaillir, de nous surprendre, de nous confronter. Et nous adorions détester cela. Horripilant mais sécurisant était cette vision de la France profonde décérébrée branchée sur les programmes de télé-réalité. La société ne nous surprenait jamais puisque nous avions pris l’habitude de désigner nous-mêmes les causes justes (écologie, anti-racisme, progrès sociétal) et de disqualifier, voire de censurer, celles qui nous paraissaient farfelues. Nous avons, sans nous en rendre compte, pris le pouvoir, sans glaive ni trépas. Mieux encore, nous n’assumions pas. Nous faisions la leçon à tous avec nos utopies de liberté et n’avions même pas à rendre compte des réalités libérales consécutives à leur application. On désignait l’institution à la vindicte populaire puisque nous gouvernions par la morale. Mais cette prestidigitation a fait son temps. Le monde meilleur que nous promettions s’est mué en un monde meilleur réservé aux riches des grandes villes et à tous ceux qui pouvaient encore en profiter. L’Histoire nous attendait en embuscade et nous nous sommes soudain aperçus que nous n’étions qu’un vulgaire épisode de domination politico-culturelle que le peuple allait renverser car inapte à répondre aux difficultés actuelles. Pas à pas, les peuples ont tout retourné, de la régionale française au Brexit en passant par l’Autriche, ils ont fait leur bout de chemin. On les croyait stupides, que tout cela allait se tasser, et puis ils ont gagné la partie d’échecs: en abattant l’Amérique, ils ont fait tomber le roi, rendant ainsi orphelins les progressistes-libertaires européens qui avaient, dans les années soixante, pris corps avec la contestation de la guerre au Viet Nam et des sociétés conservatrices. Nous vivons un second Printemps des Peuples, plus de 150 ans après le premier. Oui, Fukuyama est bien mort cette nuit. -MP

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