Sur la droitisation
La “droitisation” du peuple est une inexactitude. Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine, existait la France politique. A cette époque, deux grandes tendances politiques se dégageaient: la gauche et la droite.
La droite, c’était un père, un chef de famille, un salaud, qui rappelait doctement au peuple sa filiation, son hérédité, son appartenance à une terre sur laquelle sont enterrés ses ancêtres, les devoirs qui pèsent sur lui du seul fait de sa naissance et auxquels il n’a nullement consenti. Le peuple était à ses yeux un chaînon responsable mais sa responsabilité était de s’inscrire dans la cohérence de la lignée.
La gauche, c’était une mère. Une mère aimante jusqu’à l’asservissement, à l’écoute du peuple, de sa raison comme de ses caprices. Pour elle, son petit protégé était fantastique et hautement responsable, responsable de lui-même. Elle insistait pour qu’il prenne soin de lui, qu’il soigne cette vilaine maladie de la pauvreté et qu’il s’augmente intellectuellement par le partage égalitaire des savoirs dont l’objectif était l’émergence de tous les talents disponibles, nonobstant leur condition sociale.
Mais la gauche était aussi une mère protectrice, jusqu’à l’hystérie. Elle ne tolérait aucun écart interne et n’hésitait pas à confisquer la nationalité. Elle s’insurgeait contre ces patrons qui tentaient de faire appelle à des peuples pauvres pour mettre en concurrence ouvriers français et ouvriers étrangers afin d’en tirer le meilleur parti financier. Elle était contre l’immigration, se servait de la Nation pour justifier la solidarité et les frontières lui semblaient être une protection contre la fuite des richesses françaises et l’incursion d’idéologies politiques rétrogrades venues de l’extérieur.
La politique, c’était un consensus entre les deux, souvent obtenu au terme d’un affrontement grandiose et virulent. C’était des révolutions ou des unions sacrées. Parfois, des grands Hommes constituaient un pont, une synthèse entre ces deux tendances. C’était autre chose.
Aujourd’hui, la gauche a quitté son rôle pour voguer vers de nouveaux horizons. En adoptant l’idéologie libertaire, idéologie de salon intellectuelle et bourgeoise, elle s’intéresse désormais à l’Homme mais plus au peuple. Ou seulement à l’occasion de quelques spasmes émanant du cadavre socialiste. La droite, elle, y a vu une opportunité magnifique: elle a enfin pu se défaire de son rôle ingrat et a revêtu celui de la mère aimante et protectrice. Marine Le Pen n’a pas “dédiabolisé” son parti, elle n’a pas réussi à en faire un parti “ni gauche, ni droite”. Marine Le Pen est de gauche, son programme est chevènementiste et ses références à l’immigration ou à la frontière ne sont plus dictées prioritairement par des convictions identitaires mais par la protection des ouvriers français, des savoirs français, des richesses françaises. Elle applique Marx et Engels.
Alors, bien sûr, la demande identitaire est extrêmement forte aujourd’hui de la part du peuple. Mais cette demande se fond d’avantage dans une demande de retour du politique, droite comme gauche. L’offre à droite oscille et s’étire entre un reniement complet au profit d’une approche du peuple d’ordinaire réservée à la gauche (et qui fonctionne très bien) et un raidissement de la position de droite traditionnelle (parfois grotesque, mais tout aussi efficace). La première droite est donc une gauche qui n’est pas à sa place, si Mélenchon “remasterisait” le programme de Georges Marchais, il ferait au moins 20% et Marine Le Pen serait éjectée par les membres de son parti qui revendiquent une vraie position de droite (et je sais que ça devient assez complexe). En bonus, on peut même estimer que la demande identitaire, en elle-même, contient une demande gauche/droite à travers la volonté de revenir, certes à une certaine idée d’hérédité et de filiation, mais aussi d'un retour de la laïcité et de l’école républicaine ancien modèle, deux piliers de la gauche.
Le peuple ne se “droitise” donc pas, il se “repolitise” plutôt. Le Bloc Identitaire l’a bien compris, lui qui revendique sans cesse désormais des manifestations et des évènements #identitaires&patriotes. MP