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Le Club des Insurgés
8 mars 2017

Journée des droits de la femme : un nouvel opium ?

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Le 8 mars semble entrer chaque année un peu plus comme date importante dans notre calendrier mémoriel. Si vous souhaitez survivre aujourd’hui, messieurs, sachez que l'événement du jour n’est pas le match retour du Paris-Saint-Germain en Ligue des Champions mais la journée internationale des droits des femmes. Les réseaux sociaux, la télévision et son cortège d’intervenants vont en parler toute la journée: les luttes, les avancées, les acquis, les menaces qu’il reste à pourfendre.

L’inscription d’une date spécifique à la gloire des femmes est chose fort louable. Notre vieille civilisation chrétienne a accouché d’un Occident fasciné par la figure de la madone protectrice et respectueux de la femme qui accouche de l’Homme avec un grand H. C’est cette existence individuelle sacrée qui a façonné deux millénaires de sociétés qui ne savent plus aujourd’hui évaluer leur qualité qu’au travers du prisme du confort individuel. Même les laïcards les plus fanatiques, même la gauche la plus anti-cléricale, ont toujours historiquement été bien obligés de reconnaître que leur propres idéologies (libertaire en tête) ne sont pas sans racines sociologiquement chrétiennes. Certains l’ont oublié. Il reste néanmoins des temps anciens une place importante voire fondamentale de la femme dans la société. Les reines, les impératrices, les régentes, Jeanne d’Arc, les femmes révolutionnaires… Toutes ont marqué notre Histoire (et tout particulièrement celle de la France) jusqu’à la légende, parfois même jusqu'au fantasme. La littérature française s’en est toujours émerveillée, des contes médiévaux à Stendhal.

Mais aujourd’hui n’est pas la journée de la femme, c’est la journée des droits des femmes. Cette nuance est importante pour ses fervents organisateurs comme pour ses plus farouches opposants. Toute confusion pourrait vous valoir une mise en accusation publique par les procureurs de Facebook. Il faut faire attention. Ce que l’on célèbre aujourd’hui c’est la Lutte, et on met une majuscule parce que, pour la gauche, c’est un nom propre. Une marque déposée. Il faut dire que la gauche est à la manoeuvre aujourd’hui. D’ailleurs, pas question de limiter les débats et réflexions approfondies à la seule question de l’égalité homme/femme au niveau national. La gauche, c’est l’international.  Le seul cas français sera examiné lorsqu’il faudra évoquer les histoires de chéquier et les quelques lois qui discriminaient naguère les femmes, en infraction totale avec les principes de 1789.

En France, ces lois ont bien existé et ont bien été abrogées. Et ces abrogations sont heureuses. Néanmoins, il faut noter que notre vieux pays a toujours rechigné à une production législative liberticide à l’endroit des femmes, tant celles-ci ont toujours été un agent politique important. Voire révolutionnaire. La femme française a ancré dans l’imaginaire collectif mondial sa force de caractère et sa liberté imprenable. Ce n’est pas pour rien que la femme est l’allégorie de la liberté en France. On disait autrefois que Paris appartenait aux parisiennes et les films d’il y a près d’un siècle mettant en scène des femmes qui tiennent tête aux Gabin et autres monstres sacrés du cinéma français, ne sont là que pour nous déciller sur l’image de gourdasses aux ordres de leur homme que le féminisme moderne a logée dans nos esprits.

Pourtant, la gauche a raison lorsqu’elle affirme que le statut de la femme est dépendant de l'environnement économique, et tout particulièrement de l’état du capitalisme. C’est juste qu’elle devrait aller au bout de ses raisonnements et de ses constats. Le capitalisme bourgeois, qu’elle dénonce systématiquement selon le modèle de contestation marxiste du capitalisme de production du XIXe siècle, avait effectivement créé un modèle sociétal, il y a cent cinquante ans, qui répondait à ses besoins économiques. A l’époque, le capital est physique en Europe. Pour être riche, il faut une usine. Ou une mine. Il faut donc accumuler des capitaux : épargner. Les structures sociétales étaient alors rigides: le divorce était mal perçu car il divise ce fameux capital et le second lit dilapide la succession de l’épargne accumulée. Dans le même ordre d’idées, la figure paternaliste et la morale du curé contenaient toute aspiration consumériste pour ne pas laisser sortir les fonds retenus.

Mais, depuis les années soixante, tout à changé. Le système capitaliste s’est progressivement mondialisé et a envoyé le vieux capitalisme de production dans les pays émergents à grand coups de délocalisations d’usines. Le capitalisme qui prévaut désormais en Occident est le capitalisme de consommation, royaume de l’économie tertiaire et du consumérisme effréné. Pour en arriver à la célèbre société de consommation, il a fallu transformer les structures sociétales rigides pour les rendre les plus souples possibles: le culte excessif de la famille a laissé place à celui du couple, la figure du père autoritaire à l’excès a fait place nette à des hommes qui n’en sont plus vraiment et le curé est devenu ringard. Vous suivez mon regard, la gauche libertaire a souvent servi d’idiote utile dans cette affaire.

Pour les femmes, la libération des années 60 fut, je le répète, une avancée majeure et à saluer. Mais la suite fut moins glorieuse. La politisation, la réquisition de la lutte pour les droits des femmes par des pseudo-progressistes mal intentionnés ont ensuite permis leur asservissement. Femmes seules, abandonnées, acculées à l’avortement ou obligées aux travaux précaires pour nourrir des enfants qu’elles élèvent seules, de nombreuses femmes sont aujourd’hui précarisées, exploitées et oubliées. Le modèle libéral de la femme solitaire qui ne fait pas d’enfant pour prioriser sa carrière est la seule application concrète de l’émancipation par le refus de la maternité que prônait Simone de Beauvoir il y a soixante ans. Encore faut-il être née du bon côté de la mondialisation. Pour beaucoup de femmes, et notamment de jeunes femmes, le culte du paraître et les produits bons marchés qui se périment à très court terme malmènent leur pouvoir d’achat et les détournent de choses plus élémentaires de la vie, à commencer par la chose politique. Les Anges de la télé-réalité sont eux aussi des enfants de mai 68 et les jeunes filles les regardent parce que l’autorité parentale fait défaut car honnie: trop paternaliste. L’accès à la culture émancipatrice s’en trouve d’autant plus empêché que les libertaires nous expliquent doctement qu’elle est bourgeoise et à bannir. Ils l’ont lu dans les oeuvres de Bourdieu alors…

Ne vous trompez pas sur l’intention. Ces quelques lignes misérables sont loin d’être une ôde à la société patriarcale et encore moins une acceptation des anciens carcans de la bourgeoisie du XIXe. Mais c’est une mise en garde, puisque l’occasion s’y prête. Les défenseurs officiels des droits des femmes sont parfois aussi des bourreaux masqués. Des bourreaux habiles. Lorsque la gauche promeut ce genre d'événements, elle oublie de préciser que si elle déplore et condamne cette cruauté hallucinante de nos sociétés modernes que j’ai dénoncée dans le paragraphe précédent, elle ne se privera pas, dès le 9 mars, de continuer à en encourager les causes. A les chérir même, comme dans la maxime de Bossuet. Et puis, si vous êtes de gauche et cherchez un véritable axe de réflexion qui sorte de ces niaiseries, dites-vous que la communautarisation des luttes, il n’y a rien de tel pour diviser les prolétaires. C’est normal que les femmes et les hommes soient payés un même salaire pour un même travail, c’est in-con-tes-ta-ble. Mais lorsqu’on lutte pour qu’un cadre femme et un cadre homme soit payés le même montant et non plus pour qu’un ouvrier homme touche autant qu’un cadre femme, alors c’est que l’on a abandonné la lutte des classes pour le lissage de classe. Une confusion regrettable. -MP

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