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Le Club des Insurgés
6 février 2017

L'hologramme de Mélenchon: pourquoi c'était génial

L-hologramme-de-Jean-Luc-Melenchon-fait-un-carton

C’était un vieux rêve de gosse. Et je crois que beaucoup de gens se sont fait cette réflexion, à l’image des multiples détournements qui ont pullulé sur internet. De Star Wars à Minority Report en passant par Retour vers le futur, tous ces films ont inspiré les mômes fans de science-fiction de ma génération, lesquels pensaient alors qu’un jour les hologrammes existeraient et que cela deviendrait même un mode normal de télécommunication. J’en faisais bien sûr partie (il n’y a pas si longtemps que ça d’ailleurs) et j’avoue m’être toujours dit que si une personne devait inaugurer une telle technologie, ce serait un personnage important de notre société. Bref, un homme politique.

C’est aujourd’hui chose faite puisque Jean-Luc Mélenchon, le dirigeant du mouvement La France Insoumise, a donné un meeting le 5 février dernier à Lyon, intégralement retransmit à Paris en hologramme complet (c’est comme ça que j’appelle un hologramme qui représente le locuteur de la tête aux pieds). Le Mélenchon réel et son double holographique ont réuni respectivement 12.000 et 6.000 personnes, ce qui est une belle performance. La double-conférence a néanmoins été boudée par la télévision qui lui a logiquement préféré la grande favorite de l’élection, Marine Le Pen, ce qui est quand même un peu injuste vu l’évènement. 

Beaucoup de critiques ont été formulées en amont (et ce n’est pas un jeu de mots), tant à droite qu’à gauche, un bon nombre émanant des médias. Une première raillerie assez discrète a consisté à interpeller le candidat sur le fait qu’il utilisait un « joujou » de riche. C’est une critique que je trouve franchement nulle, je ne vois pas bien le rapport: les pauvres n’auraient donc pas droit à l’innovation technologique sous prétexte qu’elle aurait été souillée par l’argent du Grand Capital ? J’aime d’ailleurs beaucoup les idées que véhicule pour la gauche cet intérêt de Mélenchon à l’endroit des nouvelles technologies. On est très loin de l’indemnité versée aux chômeurs en contrepartie de l’abandon de poste du PS face à la mondialisation incarnée par le revenu universel. Là, on parle effort collectif, stratégie de groupe et efficacité dans la réalisation d’un projet commun. On revient à un socialisme du travail, du progrès et de l’espoir. Rien à redire. De plus, la prestation a demandé les efforts des français d’Adrénaline studio (sous la direction de Sébastien Mizermont) donc, cocorico, les jamais-contents auront du fil à retordre pour lui jeter la pierre.

Une seconde critique, beaucoup plus récurrente et ébruitée cette fois, lui a reproché de ne pas être aussi précurseur qu’il ne le prétend et d’avoir opté pour une formule de communication un peu « gadget » (une double-critique donc). Libération a notamment publié un article pour faire remarquer que le premier ministre indien, Narendra Modi, avait fait une campagne holographique (deux en fait) ainsi que Recep Erdogan, le dirigeant turc, pour pallier une absence à Izmir en 2014. Sauf que, comme pour le Prince Charles et Al-Gore, ces interventions avaient été préalablement enregistrées sur fond vert, en studio. Vous pensez qu’il s’agit d’un détail ? Nullement. Enregistrer une personne en studio, la retraiter par ordinateur puis la diffuser à un public ne représente pas la même contrainte pour une équipe technique que de devoir faire tout ça en direct. Mélenchon est bien le premier à s’adresser à son public en hologramme diffusé in vivo. Et, en plus, d’être un pionnier, ce choix a un sens politique, ce n’est pas « gadget ».

Oui, on peut trouver tous les défauts que l’on veut à Mélenchon, il n’empêche que c’est un personnage politique qui a réussi à instaurer, au fil de ses interventions publiques, un rapport physique, quasi-charnel, avec ses militants. Cette relation justifiait qu’il opte pour un mode de communication qui respecte une telle proximité. En tenant ses deux meetings dans deux quartiers bien choisis (de banlieue et du périurbain), le candidat savait qu’il trouverait facilement son public. Et en préférant Lyon à Paris pour sa prestation en réel, il a aussi fait le choix de retourner la hiérarchie capitale/province tout en évitant le sentiment de mépris qu’aurait inspiré une rediffusion sur grand écran. L’hologramme lui a donc servi à faire ressentir quelque chose de particulier à ses militants, ce qu’il n’aurait pas pu faire par le seul biais de la télévision ou en étant seulement sur Lyon: c’est une utilisation politiquement pertinente de cette technologie. 

Alors, certes, ça reste un coup de « com ». Mais il ne faut pas passer d’un extrême à un autre, du tout-à-la-communication au discours fade. Si l’on n’en abuse pas, la communication est très importante en politique en ce qu’elle permet de délivrer des messages hors discours, de passer de « je regarde un homme politique débiter un texte » à « j’inscris ce personnage dans un univers politique complexe qui renvoie à un passé, des valeurs, des références dans lesquelles je crois ». Ce discours de Mélenchon entre dans l’Histoire parce que celui-ci a propulsé le tribun du XIXème qui a fait le sel de la gauche populaire dans l’ère de la communication moderne. A une époque où le peuple se trouve disséminé en dehors des grandes villes, chassé qu’il est par la gentrification, c’est une source d’espoir pour retrouver le contact direct avec lui, loin des filtres algorithmiques et politiques des réseaux sociaux et de la télévision. Ca se passe à gauche, ça égaille une campagne franchement décevante, c’est bien et c’est assez rare pour être souligné. -MP

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