Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Club des Insurgés
2 février 2017

Le journalisme moderne: surveiller et punir

3861609lpw-3868577-article-francois-fillon-jpg_3536624_660x281

Le rêve américain guide leurs pas. Nos ultra-progressistes français sont fascinés par l’Amérique, par ses luttes politiques, par ses moeurs, même s’ils ne se l’avouent pas toujours. Ils aimeraient qu’on soit comme eux. Dans la société américaine, anglo-saxonne et protestante, l’état est plutôt mal perçu puisqu’il est le pouvoir vertical d’un groupe sur l’individu, forcément castrateur de la liberté individuelle. La société américaine préfère les rapports horizontaux, d’individu à individu : c’est la bonne morale. On ne supporte pas que le nez et les oreilles de l’état s’ingèrent dans les affaires des uns et des autres mais tout le monde veille sur son voisin (ou le surveille, selon les points de vue). Aussi, lorsque les américains se choisissent un chef d’état (puisqu’il en faut quand même un), ils regardent les candidats avec suspicion et attendent d’eux qu’ils se conforment à la morale. Ca les rassure. Et ça s’appelle la probité.

En France, pays latin de tradition catholique, les choses sont… différentes ! L’état y est davantage perçu comme un protecteur, un acteur social légitime: c’est le maître de l’intérêt général. Le mot est lâché. Si un candidat est perçu comme capable de faire triompher l’intérêt général alors on lui pardonnera une histoire de moeurs ou une affaire de fric. La probité est loin d’être totalement exclue dans les critères de choix du peuple mais elle peut être relativisée. Évidemment, à notre époque, l’incompétence de nos politiciens ne permet plus toujours de relativiser et l’exigence populaire à l’endroit des candidats pourrait se résumer à cette défiante invective: à défaut d’être bons, soyez droits. Mais nous ne sommes pas encore arrivés au point d’accepter de sombrer sous la direction d’un capitaine superbe mais impuissant. Les électeurs font donc des choix tactiques pour tenter de faire triompher le moins mauvais pour l’intérêt général. 

Alors, puisqu’on est censé parlé de M.Fillon, et avant que l’on me fasse tout un tas de reproches à ce sujet, il ne s’agit pas de dire qu’il est innocent (une enquête est en cours). Il ne s’agit pas non plus de dire qu’il est exonéré par l'impressionnante masse de magouilles liées à l’argent qui se trament à l’Assemblée (et pas que là) et qui concernent autant la gauche que la droite, chacun dans son style comme toujours. Il s'agit encore moins de dépeindre les français comme un peuple amoral et de nier l'impact normal de cette affaire sur un candidat qui avait pris pour valeurs-référence de sa campagne le travail et la lutte contre l'assistanat. Ce qui va nous intéresser ici c’est le traitement médiatique de l’affaire Fillon ou "Peneloppe Gate", ridicule détournement du nom de l’affaire qui avait coûté son poste à Nixon (le Watergate), on y reviendra plus tard. Ma théorie est que tout le monde s’en fout, que les enjeux ne sont pas ceux que l’on croit.

Donc, le Peneloppe Gate est une affaire d’emplois fictifs concernant la femme de l’ancien premier ministre et ses enfants, tous accusés d’avoir bénéficié d’un poste rémunéré par des fonds publics mais jamais honoré. L’affaire a été sortie par des journalistes et a donné lieu à l’ouverture d’une enquête par le parquet financier. Tout le monde fait son boulot, pour le moment tout va bien. Sauf que, depuis quelques semaines, une marée d’articles s’abat sur le sujet, diffusée à grand renfort de réseaux sociaux et de chaînes info. Le contenu des articles est assez aléatoire, souvent vide et souvent constitutif d’une paraphrase du titre (le plus important, puisqu’il apparaît en notification sur vos smartphones).  La “cascade de révélations” n’en est souvent pas une. La variation des montants en jeu ou les mécénats politiques subtiles (mais légaux) sont souvent les seules “pépites” que l’on a à se mettre sous la dent. Légitimement, cela amène à se poser cette question: est-on encore dans le domaine de l’information ?

L’information c’est du fond et de la forme. Bon, le fond, tout le monde voit, ça ne pose pas de problème. Mais la forme appelle un peu plus d’explications. Il s’agit de la manière de distribuer et de diffuser le fond. La présentation, certes, compte énormément. On peut, par exemple, choisir un titre racoleur, jouer sur la police d’écriture, les tournures de phrases, mettre en gras ou souligner certains passages. Cette façon de présenter l’information va influencer le lecteur car on va l’amener à se focaliser sur certains points plus que sur d’autres, quand bien même on n’a pas modifié directement l’information sur le fond. La télévision était déjà passée à un stade supérieur avec quelques tours de prestidigitation (je mets une information en lumière pour que tu n’en vois pas une autre) et des petites phrases sarcastiques pour décrédibiliser l’interlocuteur. Mais à l’heure des réseaux sociaux, ça va beaucoup plus loin que ça. Chaque journal a désormais son compte Facebook ou Twitter et diffuse des informations dessus. Comme je l’évoquais plus haut, les notifications comptent beaucoup. Mais à une époque où tout le monde « check » les réseaux sociaux en se levant, dans le bus, en prenant un café, au bureau ou en déjeunant, est apparu un nouvel enjeu pour les médias, tant sur le plan journalistique pur que commercial : il faut être dans la place. Les comptes des journaux pondent donc une quantité pharamineuses d’articles qui noient littéralement les fils d’actualité des usagers et créent un effet de masse. Ajoutez à cela la viralité due aux militants qui récupèrent l’information à des fins politiques et vous voyez ou je veux en venir: l’ampleur du scandal n’est pas créée par le fond mais par la forme.

Là, se pose la question de l’objectif de la démarche. Les journaux font peut-être cela dans un but publicitaire afin de se donner l’apparence d’investigateurs sourcilleux et soucieux de l’émergence de la vérité ? Les plateaux télévisés et leurs éditions spéciales répondent clairement à notre interrogation par une autre question: Fillon peut-il rester dans la course ? N’oublions pas notre petite étude sociologique du début. Pourquoi Fillon devrait-il partir selon vous ? Vous me direz: parce que ceux qui l’ont élu à la primaire et ceux qui semblent vouloir le placer au second tour de la présidentielle seraient amenés à penser que Fillon n’est pas digne de confiance pour mener le pays. Mais avez-vous vraiment l’impression que c’est le cas ? Pas moi. Les sondages restent plutôt corrects (même s’il y a un impact, c’est indéniable). Une bonne partie semble toujours croire, en bon français qu’ils sont, que cette affaire n’est pas de nature à altérer la confiance qu’ils placent dans leur candidat pour réaliser l’intérêt général. Et ça fait quand même un français sur cinq. Il n’y a donc pas lieu de discuter de la question de son retrait puisque la révélation de l’affaire n’a pas eu cet impact. 

Pourquoi diable alors persévérer à parler d’une affaire dont on a déjà soupé du matin au soir depuis deux semaines ? Parce que les journalistes aimeraient (et ils ne sont pas les seuls) que nous soyons américains. Ils aimeraient tant que, comme nos cousins d’outre-atlantique, on vilipende un candidat qui n’a pas la probité nécessaire pour accéder au pouvoir. Mais le problème de la bonne morale, c’est qu’avec les moyens de communication modernes elle devient vite une arme politique redoutable. Aux USA, on connait ça depuis très longtemps et dès qu’un candidat est mal aimé d’un journal du bord opposé ou de son bailleur de fonds, il se fait défoncer. C’était le cas du Watergate avec Nixon. Vous avez surement entendu parlé de cette histoire et vous vous dites: « mon Dieu, quelle horreur ce Nixon, il a commis une des pires fautes de l’histoire de la politique américaine », parce que vous faites référence au fait qu’il fit écouter le parti démocrate en prévision de la campagne présidentielle à laquelle il se présentait. Pourtant, les écoutes et espionnages divers ont toujours été l’apanage des campagnes américaines. Au moment de la révélation du scandal d’Obama, qui avait mis sur écoute tout le peuple américain et les dirigeants des pays alliés des Etats-Unis, personne n’a sérieusement envisagé de pousser le locataire de la Maison Blanche à la démission. Les médias progressistes et Obama vivaient une idylle. Nixon, c’était toute autre chose. Lui était très attaché à cette Amérique populaire conservatrice dont le magistère moral était en train de s’effondrer sous les coups de boutoir de la révolution progressiste qui grondait à cette époque. Nixon a bien d’avantage payé son conservatisme, ses accents paternalistes et la guerre au Viet-Nam que le Watergate en devant se résigner à quitter le pouvoir. 

C’est ce genre de procédés que certains aimeraient voir importé en France. Les journalistes, qui ont un peu détourné leur rôle de « chiens de garde de la démocratie », prétendent désormais pouvoir désigner ceux qui peuvent concourir pour le pouvoir et ceux qui ne le peuvent pas. Au détriment d’un peuple qui ne fonctionne pas comme tel et qui n’a pas l’air d’apprécier. Du coup, il leur faut en remettre une couche, tout le temps. C’est le lynchage. Mediapart entend être sur le devant de la scène puisque ce journal s’est forgé, dès sa création, une image de média forcément dans le vrai parce que non financé par des opérateurs du secteur commercial. Mais cela fait-il de lui un journal dépourvu de ligne idéologique ? Prenez, au hasard, le Club des Insurgés: nous ne sommes financés par personne mais ça ne nous empêche pas de donner une opinion. Bien au contraire. Une des « révélations » sorties par ce journal est symptomatique: il y est question d’une activité de conseil auprès d’un établissement privé (rémunérée bien sûr) que François Fillon n’aurait pas déclarée « publiquement ». Comment ça « publiquement » ? On doit déclarer son activité fiscalement, ça oui. On doit également déclarer les incompatibilités professionnelles lorsqu’il en est question (et son activité de conseil est déclarée dans sa déclaration d’intérêt, ) mais j’ignorais qu’on devait maintenant révéler publiquement ses affaires privées. Cette information n’a pas pour but de nous démontrer que Fillon a commis quelque chose d’illégal mais de nous faire douter de sa transparence, de sa probité donc, encore et toujours cette foutue probité, comme si nous étions devenus anglo-saxons. 

Cette affaire, si elle avait été traitée par des journalistes moins vengeurs, auraient pourtant pu être intéressante pour le débat public. Les multiples tours de passe-passe qui grèvent la politique française sont devenues légende tellement elles sont allées loin dans l’abus. Entre la corruption pure et simple, le « socialisme municipal », les militants extrémistes des deux bords financés par des « budgets spéciaux », les rémunérations des services rendus par les artistes par festivals subventionnés interposés, les baronnies liées à la mafia… on comprend la prolixité des écrivains et réalisateurs pour romancer et mettre en scène les irrésistibles contorsions de politiciens lisses dans le but de cacher les hommes de l’ombre véreux qui les ont fait. C’est un vrai sujet. Ces pratiques devraient faire l’objet de contrôles renforcés mais aussi de véritables réflexions sur leurs causes. Mais non, ce n’était pas l’objectif de cette campagne médiatique. Et en plus d’avoir salopé un bon sujet de débat, on évite de parler de tous les autres… et devinez à quel candidat libéral-libertaire profite le crime ?

Publicité
Publicité
Commentaires
Le Club des Insurgés
  • Le Club des Insurgés est un espace dédié à l'esprit. Nous vous proposons de redécouvrir des sujets d'actualités sous un point de vue critique différent de celui des canaux traditionnels. Bienvenue à tous et bonne lecture !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité